Calendrier de l'Avent 2010 : 9.

Publié le par D.J.

Les grands prêtres et les anciens persuadèrent les foules de demander Barabbas et de faire périr Jésus. Reprenant la parole, le gouverneur leur demanda : "Lequel des deux voulez-vous que je relâche ?" Ils répondirent : "Barabbas." Pilate leur demande : "Que ferai-je donc de Jésus, qu'on appelle Messie ?" Ils répondirent tous : "Qu'il soit crucifié !" (Mt, XXVII, 20-22)

 

Au fond, les footballeurs sont de grands sensibles contrariés. Il n'est qu'à voir les longues embrassades suivant chaque but pour se convaincre qu'ils manquent indubitablement d'affection. Un coup de mou au cours d'un match et les voilà à harranguer le public des deux bras : pour que l'équipe se sente supportée, disent-ils - tu parles, la jouissance que c'est d'entendre plusieurs milliers de personnes crier en choeur au rythme de deux ou trois moulinets des épaules ! Et nous ne parlerons pas des baisers envoyés au public, des clins d'oeil complices et des torses déshabillés !

 

Le public est si important qu'on en a fait le douzième homme qu'il vaut mieux avoir dans la poche. Pour ce faire, les stratégies varient. Certains se contentent de bien jouer - c'est la carte esthétique. D'autres, de mouiller le maillot - c'est la carte sensuelle. Lorsqu'un joueur arrive dans un nouveau club, il joue généralement la carte démagogique : c'est le club de ses rêves, il veut marquer l'histoire et communier avec les meilleurs supporteurs du monde. Tonnerre d'applaudissements, ovation lors du prochain match, le nouveau-venu est tranquille jusqu'à la trêve.

 

Les supporteurs sont rarement très regardants. Qu'on leur souffle la vague renommée d'un obscur Serbe fraîchement recruté et voilà qu'ils encouragent le nouveau Stojkovic. Un Brésilien ? Champion du Monde ? Voilà qui vaut bien deux ans d'ovations gratuites ! Marquez trois buts en quatre matchs, faites-vous transférer dans un grand club avec forces pleurs, déchirures et regrets, et vous êtes une idole à jamais, sacrifiée hélas! sur l'autel du Grand Capital.

 

Certains joueurs l'ont bien compris : Même une fois parti, il ne faut jamais oublier d'où on vient... au cas où il faudrait y revenir. Didier Drogba s'est ainsi créé tout seul son propre mythe. Une saison à Marseille, aucun titre mais un but tous les deux matchs, des larmes à son départ, des rumeurs régulières de retour :  plus supporteur de l'OM qu'aucun Marseillais  de France ou de Navarre, il s'est préparé un lieu de villégiature pour une éventuelle pré-retraite, au cas où Chelsea...

 

Tout cela n'est rien que de très normal. Chacun cherche son chat, la mort d'un prophète gênant vaut bien la libération d'un criminel. Mais on aimerait bien quand même savoir comment les foules se laissèrent persuader de relâcher Barabbas. Peut-être de la même manière que les Marseillais phantasment sur Drogba : deux trois buts bien sentis et célébrés de manière suragressive, l'écusson du club embrassé à pleine bouche devant une caméra de Canal+, un regard de tueur affiché dans toute la ville sur des affiches publicitaires pour des jeans à la mode. Et le vide technico-tactique du Vélodrome des années 2000.

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