Ô raison funèbre !

Publié le par Lucie Lassie

Il n'avait pas tort, Ronaldo, de comparer son départ à la retraite à une première mort. Cette semaine a en effet ressemblé à un long enterrement avec ses hommages successifs. Didier Roustan a même osé : "un grand champion nous a quitté."

 

La carrière gisant sous les yeux des commentateurs n'avait-elle pas l'air de ces corps exposés dans leur cercueil, devant lequel défilent proches et moins proches ? L'évocation de l'année barcelonaise, de la World Cup 94, du retour de 2002, des buts prodigieux, des accélérations époustouflantes, n'est-ce pas comparable à ces bons souvenirs que l'émotion des églises rappelle à la mémoire, écartant d'un revers du coeur les mauvais côtés du défunt envolés en même temps que son dernier soupir ?

 

Journalistes, joueurs, entraîneurs, tous sont unanimes, tous répètent à l'envi les mêmes dithyrambes. Surtout tous semblent aussi soulagés qu'attendris. Ils ne le disent pas, mais tous l'ont pensé : les dernières années de l'idole, à Milan, aux Corinthians, les peinaient autant que les caprices d'un mourant obstiné. A quoi bon rester quand le corps grince, fatigué d'avoir dit "non" trop souvent ?

 

Ronaldo s'obstinant à jouer au football c'était l'Histoire qui, ne s'écrivant déjà plus au présent, refusait de se voir écrite au passé. Et cela, notre époque ne le supporte pas.

 

Voici donc la retraite, petite mort avant la grande. Bien sûr, il y a une vie entre les deux. Mais que le jeune retraité se fasse ambassadeur de l'UNICEF, éducateur dans une favela ou conseiller sportif, pour le monde entier, pour les micros, livres et caméras, il est à jamais un ancien joueur, une antiquité. Un retraité du football, comme d'autres le sont de l'enseignement ou de la fonction publique, tous définis par leur activité passée. Quand on a fait son temps, quand on s'est acquitté de son rôle dans l'Histoire, la société n'attend plus qu'une chose : qu'on finisse de vieillir. Avant de disparaître.

 

 

Pendant ce temps-là, il y avait du foot, et du bon :

Milan AC 0 - Tottenham 1

(Bande-son : Giuseppe Verdi, "Va pensiero")

Publié dans Hors-jeu

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